« Tu vois quand tu peux » : exposition (2016) de la 23ème promotion des Compagnons Verriers Européens
Raphaëlle Mathis, option verre et lumière (vitrail)
Invasion
Il s’agit d’un ensemble de vitraux réalisés pour des forts XIX e siècle Serré de Rivières en Lorraine, l’un habité, l’autre abandonné et envahis par la végétation.
J’ai souhaité habiller les ouvertures des pièces stratégiques de ces forts, comme la fenêtre de la salle du Corps de Garde, les meutrières des fortifications de l’entrée du fort, les ouvertures carrées de la salle du magasin de poudre et de munitions, et enfin le puit de lumière d’un Passage-Abri.
L’idée est de parer ces ouvertures, de vitraux aux motifs de végétaux tourmentés, afin de réabiliter le lieu, de l’apaiser et de le détourner de sa fonction défensive.
Les végétaux choisis étant ceux présents autour de ces forts, et retravaillés en des compositions uniques pour créer des paysages tourmentés.
Un fort anciennement défensif pour la première Guerre mondiale et aujourd’hui envahi par la végétation me semblait intéressant. Et l’idée de marquer cette invasion de la Nature, par des vitraux aux motifs là-encore végétaux, me paraissait être une façon intéressante d’anéantir le côté défensif du lieu, qui a perdu la bataille contre la nature, et de le réhabiller de parois décoratives et fonctionnelles.
Trône de la folie
J’ai souhaité créer une oeuvre incarnant la fin du XIXe siècle.
En effet je me suis intéressée à cette période riche en changements majeurs dans l’histoire de France, tant en innovations médicales, industrielles ou politiques. Ainsi période transitoire en France , marquée par pas moins de 7 régimes politiques en 20 ans, cette phase inédite laisse la France dans une déroute et un mal être ambiant et en demande de spiritualité et de repères constructifs.Elle se tourne donc vers des courants ésotériques et de nouvelles techniques de guérison. En effet, en parallèle de l’émergence du Spiritisme, de l’Hypnose et du Mesmerisme est inventée une multitude de marchines pour aider l’industrie ou la médecine. D’abord au charbon, l’industrie connaît un nouvel essort avec l’invention révolutionnaire de l’électricité et celle-ci est très vite utilisée en médecine pour soigner par chocs électriques ou par courant alternatif modéré, toutes ces sortes de maux du siècle.
Forts de leur succès, à la Salpêtrière, des salles entières sont dédiées aux traitements électriques de patients faisant la queue de leur plein gré. Ainsi, des maladies si bien physiques que psychiques sont soignées par l’électricité. La neurologie fait des pas de géants avec les travaux tant photographiques que médicaux de Guillaume Duchenne de Boulogne, neurologue et bras-droit du Professeur Charcot. Ses travaux laissent un catalogue de mimiques humaines qu’il classe par émotion. Peut-être cela a-t-il contribué aux prémices des dessins animés modernes.
Ce fauteuil est donc un trône de l’effervescence de cette époque, un trône de la folie des fous et de la folie des Hommes qui les soignent, soit en soi un trône de la Folie en général.
Les bras sont une présence, une incarnation virtuelle de tous ceux qui se sont assis .
… et le vitrail est au motif du tissu de l’Arlequin, le fou de la Comedia dell’ Arte, au costume inspiré par des générations de bouffons du roi
Ces bouffons qui jadis étaient chargés d’annoncer de manière joviale et légère les faits les plus terribles aux rois. Ces bouffons étaient donc des sortes de prophètes respectés. Tout comme le furent pendant des siècles les fous dans nos pays, à qui on attribuait une sorte de connexion divine et donc que l’on écoutait attentivement.
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